Tenant compte du contexte historique — seconde guerre mondiale, exil aux Etats-Unis de Saint-John Perse entre 1940 et 1958 —, ce livre cherche à renouveler le discours critique sur le poète. La rencontre intellectuelle majeure qu'il y a faite, celle d'Einstein et de la science de l'atome, est au cœur du « Discours du prix Nobel » (1960). Elle est au cœur du présent propos. C'est à partir d'elle que l'on a rayonné en s'interrogeant sur les raisons de la singularité ressassée du poète dans te champ littéraire français de l'après-guerre.
Quelles lectures ont pu orienter son intérêt vis-à-vis des phénomènes cosmiques et de la science physique ? Comment la physique et la figure du savant ont-elles inspiré la poétique ? Quels autres aspects de la vie américaine a-t-il appréciés ? De l'autre côté de l'Atlantique, quelle perception avait-on d'une poésie apparemment étrangère aux préoccupations du moment et, assurément, à la pensée de l'échec de la civilisation occidentale ?
Toutes ces observations permettent d'entrer dans l'oeuvre poétique par un angle d'attaque inhabituel, à savoir de la rapporter étroitement au contexte intellectuel et littéraire de son auteur. Il devient alors possible de mesurer les relations de la poésie persienne avec les idées de son temps (avec le post-bergsonisme, l'existentialisme ou les philosophies du cosmos) et de rapprocher, dans une grande famille de penseurs poètes, des personnalités apparemment éloignées les unes des autres telles que Teilhard de Chardin, Caillois ou Lévi-Strauss. Apprécier ces rapprochements et ces distances, c'est enfin mieux comprendre les raisons pour lesquelles, en pleine déroute métaphysique, la poésie de Saint-John Perse a pu développer une vision positive du temps cyclique et de la vie en permanente gestation.