Dans la crise de confiance qui déchire l'éducation occidentale aujourd'hui, ce ne sont pas seulement les enseignants qui sont attaqués, mais indirectement l'enseignement lui-même. On somme les premiers de faire réussir les élèves, on s'interroge sur leur efficacité, on leur fixe des quotas de productivité. Cette attitude méconnaît l'essence de l'acte d'enseigner, qui n'est autre que de donner à écouter, à comprendre, à tenir pour vrai et à apprendre. De ce don, rien ne peut garantir que ses destinataires fassent bon usage.
La raison enseignante a ses conditions d'exercice et ses limites. Assimiler, comme on le fait aujourd'hui, l'enseignement aux apprentissages, aux formations, à l'éducation ou, plus subrepticement, à l'information, c'est s'égarer hors de son territoire, suggérer de faux espoirs, assigner des objectifs incertains, engager des réformes à l'efficacité faible, voire nulle, et dont il faudra, à plus ou moins long terme, reconnaître l'échec.