Récit de récits, récit qui se met en scène et joue de lui-même, La Vie de Marianne est la révélation d'un Marivaux suraigu, ultra-moderne dans sa réflexion sur la littérature.
Récit de récits, récit qui joue à constamment ramener et remanier une toujours même histoire et avec les mêmes faits — presque les mêmes mots — la changer du tout au tout d'un seul changement de tournure, La Vie de Marianne est de surcroît une fête du langage.
C'est Jean-Pierre Faye qui aperçut le premier La Vie de Marianne « bâtie sur le thème d'un seul et unique récit, soumis à toutes sortes de transpositions ». C'est ce que l'on veut donner à voir ici : en train de se faire, le travail des mots, qui fait de La Vie de Marianne ce roman inachevé, qui, se transformant constamment en lui-même, semble de variation en variation, fuir à l'infini de tous ses possibles.
Qu'à cette démarche fuguée l'œuvre entière réponde comme un lieu d'échos infinis, et se révèle alors, fondée sur la « variation », une certaine vision du monde de Marivaux, en harmonie avec la sensibilité de l'époque : La Vie de Marianne rejoint les œuvres d'un Bach, d'un Watteau, d'un Meissonnier et se donne comme le chef-d'œuvre rocaille de la littérature.