Écrire un roman qui soit une œuvre d'art ; rivaliser avec le peintre, composer comme le musicien : telle est la gageure que poursuivent la plupart des romanciers du XIXe siècle, en proie à une étrange obsession, celle d'un « déclin » du genre, d'une « crise » du roman. Des Goncourt à Mirbeau, en passant par Zola, Huysmans, Lorrain ou Péladan, qui servent de point de départ à cette réflexion, le personnage de l'artiste s'impose au coeur de l'œuvre, tandis que des techniques ou des savoirs esthétiques, souvent plus illusoire que réellement maîtrisés, tentent de remédier à la pauvreté supposée du verbe. Peinture et musique pourtant font long feu : la quête, menée à son terme, désigne l'insuffisance de toute forme de réalisation. Autour de l'esthète, le silence s'insinue. En écrivant Paludes, Tityre ne fait « rien » ; de même l'écrivain-esthète de la Sixtine de Gourmont rêve d'un livre intitulé : Le Rien dans les ténèbres. Entragues ne put jamais en trouver d'autre trace que la mention du titre. La tentation — mieux encore, l'ambition — du « rien » est distillée sans relâche. Est-ce alors une illusion que de lire La Recherche, dans son ampleur même, comme une réponse à ces tentatives, plus encore peut-être comme un accomplissement de cette pratique ambiguë du roman d'art ?