« S'il est vrai que la pensée philosophique est bloquée parce qu'elle est incapable de penser la catastrophe qui l'obsède, il est temps de découvrir l'autre médium qui permet de voir clair en nous-mêmes, à savoir la prose de la modernité ».
Peter Bürger justifie ainsi les analyses qu'il consacre à des écrivains de l'époque moderne, à ceux qui, selon lui, éclairent les contradictions de la modernité et élaborent une véritable « connaissance littéraire ». Avec Christa Bürger, il relit Lautréamont, Baudelaire, Rimbaud, Flaubert, Mallarmé, Zola, Valéry, Proust, Artaud, F. Schlegel, Kleist, Heine, Hofmannsthal, Kafka, Musil, Joyce, Beckett, Faulkner, Uwe Johnson.
Une analyse attentive et critique de ces « valeurs consacrées » de la littérature, qui n'exclut nullement le « plaisir du texte », révèle à quel point ces auteurs ont eu conscience des ambiguïtés de leurs temps. Leur scepticisme renvoie l'image d'une modernité contrastée, à la fois résolue et hésitante, enthousiaste et sans illusion, constamment auto-critique, très éloignée des simplifications postmodernes.
Walter Benjamin suspendait l'appropriation du passé à la construction du présent. Bürger inverse la démarche : relire les textes en prose de la modernité, du XIXe siècle à nos jours, est l'une des voies ouvertes à l'interprétation de l'époque actuelle et à l'enrichissement de nos expériences contemporaines.