Théophraste Renaudot, créateur de la Gazette et saint patron de la presse moderne, inventa aussi le Bureau d'Adresse, où des ouvriers en quête de travail pouvaient trouver des employeurs en quête de main d'œuvre et plus généralement des informations utiles et du savoir gratuit : ce mixte d'ANPE et d'Université populaire à vocation de charité et de bonne gestion des flux économiques et sociaux mariait le passé et le futur, l'esprit chrétien qui animait l'abbé Pierre d'alors (il se nommait Vincent de Paul), et l'esprit d'entreprise et de management qu'encourageait Richelieu, protecteur sourcilleux de l'initiative. C'est ainsi que le Bureau d'Adresse organisait chaque lundi des conférences publiques où s'affrontaient, comme sur le plateau d'une chaîne de radio ou de télévision moderne, des débatteurs confrontés aux sujets du moment, des plus ténus au plus profonds, des plus people aux plus insolites. De la petite fille née velue, que les zoologues d'alors enregistraient au chapitre des monstres dans leurs encyclopédies, jusqu'à la question de l'existence du Phœnix ou, beau casse-tête physique, celle du vide ; depuis le problème des incubes et succubes jusqu'à l'affaire du renfermement des pauvres pour une meilleure gestion de l'ordre public, en passant par le problème de savoir pourquoi les cadavres des victimes saignent en présence de leur meurtrier, une sélection de ces tables rondes de jadis offre un aperçu pittoresque et troublant sur leur temps — et peut-être tout autant sur le nôtre...