Il n'existe pas d'édition complète du roman de Tristan en prose. Cette absence qui s'explique par les dimensions imposantes de l'œuvre est sans doute responsable de l'oubli dans lequel elle est tombée, et peut-être aussi des jugements trop rapides dont elle a été l'objet. Ce roman avait pourtant connu un vif succès au Moyen Âge, si l'on en juge par le nombre très élevé de manuscrits qui nous sont parvenus. Les éditions modernes, encore partielles, donnent des épisodes traditionnels qui ne permettent pas de dégager la nature profonde de l'œuvre. En effet si la première partie du Tristan en prose reproduit la structure dramatique de la version commune sans la modifier profondément, le récit diverge ensuite radicalement des versions en vers et se transforme en un véritable roman de la Table Ronde. Cette section du roman, de loin la plus vaste, dans laquelle la destinée des amants de Cornouailles se mêle à l'histoire prestigieuse de la chevalerie errante, est sans doute la plus nouvelle et la plus originale. Le récit des deux captivités de Tristan y occupe une place essentielle. C'est cet épisode, encore inédit, que nous publions.