L'homme-objet chez Colette, c'est le début de la grande démythification de l'homme, c'est la mort du « héros de roman ».
Depuis que les femmes sont entrées massivement en littérature, une certaine vision de l'homme s'impose peu à peu dans le roman, qui ne correspond pas à la conception du « héros de roman » proposée par les romanciers masculins. Colette est la première à avoir rompu avec l'optique masculine, et à avoir détruit de vieux poncifs littéraires, là où Madame de Stael et George Sand — pour ne citer qu'elles — conservaient la façon de voir traditionnellement établie par les hommes. C'est le vieil affrontement des deux sexes que nous relatent inlassablement ses livres, mais cette fois du côté de la femme, de l'autre côté de la barrière. Ce livre s'est proposé d'étudier cet autre regard posé sur l'homme, et la vision de celui-ci qui en découle. Installée au centre de son roman en face d'un homme devenu objet de vision, Colette nous offre de celui-ci une image lucide et neuve, qui n'est pas si différente de celle que les hommes entre eux se font depuis toujours de la femme. Ramené à ses seules dimensions d'objet érotique, convoité mais secrètement méprisé, tout à la fois jugé et craint, l'homme de Colette devient rapidement le pendant de la « femme-objet », passive, subalterne, considérée sous un angle presque exclusivement sexuel.