En entreprenant de recenser le merveilleux légendaire dans vingt années de poésie du XIXe siècle, de 1840 à 1860, j'ai eu à l'esprit d'abord le merveilleux nervalien, qui m'apparaissait d'une étonnante richesse par la diversité des formes légendaires auxquelles il fait appel, par l'unité sous-jacente qui transparaît sous l'apparent chaos. Nerval a donc été le point de départ de ma recherche, et par lui ce que je cherchais initialement dans ce qu'on a appelé parfois le second romantisme, c'était essentiellement la genèse et l'épanouissement de mythes personnels. Peu à peu cependant, j'ai été conduite à développer considérablement une partie qui n'avait pas à l'origine retenu exagérément mon attention, celle des épopées humanitaires, des constructions cosmogoniques, dont peu de siècles, finalement, ont offert un semblable catalogue. Attirée au départ par des mythes personnels, frappée sans cesse au cours de mon étude par la facilité avec laquelle certains poètes du XIXe siècle ont su s'identifier à des héros rituels d'anciennes mythologies, j'étais obligée de constater en même temps le foisonnement de mythes collectifs, adaptations d'anciennes formes ou constructions nouvelles, et la présence constante, à côté de l'aspiration à l'éternel, à l'intemporel, de l'obsession du devenir et de l'histoire.
Anny Detalle