Une vision romantique (due notamment à Sainte-Beuve) a cru pouvoir enfermer Commynes dans le champ clos du drame personnel. C'était ignorer les influences multiples, parfois convergentes, parfois contradictoires, qui l'ont marqué. La publication de documents inédits, comportant des lettres originales et autographes du mémorialiste et des témoignages de ses contemporains, français et italiens, apportera un début de réponse aux interrogations de l'historien sur celui qui nous apparaît aujourd'hui comme le créateur de la « nouvelle histoire ». Elle permettra de mieux cerner les milieux qu'il a côtoyés, de le situer dans la mouvance de ces hommes qui, proches ou voisins de la Renaissance italienne, ont proposé de nouvelles réponses à des interrogations nouvelles : apprentissage et enrichissement des pratiques diplomatiques, élargissement du champ économique et monétaire, où se gagnent et se perdent désormais les enjeux du pouvoir. Ces préoccupations et ces obsessions se reflètent dans les Mémoires, dans l'image d'un temps mesuré, marqué au sceau des intuitions marchandes, calculé à l'aune des gains et des pertes, fixant le rythme dans lequel s'écrit l'histoire des hommes. Ainsi l'engagement littéraire de Commynes reflète les relations complexes qui s'établissent entre l'écriture, le pouvoir et l'argent en cette fin du Moyen Âge en crise.