Dans la Rome antique, il n'est rien qui ne soit religieux. C'est un fait dont les historiens modernes ne rendent pas toujours suffisamment compte. La vie politique, l'histoire de la cité ne prennent leur sens plein que si l'on projette sur elles l'éclairage de la religion. Ainsi le census, créé par Servius Tullius (il pourrait n'être qu'une banale opération administrative : recensement des citoyens, évaluation des fortunes privées), est annulé s'il y manque la cérémonie du lustrum qui le clôt, parce que ce lustrum fonde réellement à chaque fois (lustrum condere) la société romaine. Et la Fides, qui cimente cette communauté et garantit les alliances avec les peuples étrangers, est une divinité depuis les temps les plus reculés...
Dans ce sens, une approche religieuse du livre I de Tite-Live est nécessaire, parce que Tite-Live y décrit bon nombre d'institutions romaines au moment même de leur création, à l'état « naissant », nous permettant de comprendre l'idéologie romaine en son essence. Les rites et croyances qui sont évoqués par lui (rites de fondation, héroïsation, dépouilles opimes, aménagement du calendrier, définition des sacerdoces, cultes des curies, inauguration du roi, efficacité des auspices, captation de présages, cultes fédéraux latins...) sont cités, commentés, et surtout exploités par les hommes politiques à la fin de la République, alimentent des controverses savantes, servent de modèles à des comportements singuliers.