« Je suis élu, je suis damné ! », écrivait Verlaine dans Le Bon Disciple, en mai 1872. Cette proclamation paradoxale résume une attitude religieuse dont l'itinéraire a été un va-et-vient perpétuel entre la profession d'adhésion au catholicisme et la protestation d'athéisme, la soumission et la révolte, le repentir et les rechutes dans les transgressions, voire le blasphème. Dans toute son œuvre, il a été à la recherche d'un Absolu qui dépasserait ses oppositions et donnerait une unité à ses aspirations multiformes.
Les études de ce volume éclairent l'artificialisme verlainien : écrire la spiritualité, pour Verlaine, est une entreprise de réécriture indissociable de grilles langagières préexistantes, issues de la Bible ou des grands mystiques. Les textes « religieux » de Verlaine ont interpellé des écrivains d'hier à aujourd'hui (de Huysmans à Bonnefoy...) : les lectures de la postérité reflètent les fluctuations des écrits verlainiens. L'ambivalence donne la clé du discours religieux de Verlaine : elle aboutit à une spiritualité qui se cherche, se perd, se retrouve à travers les mouvances du langage, qui ouvre non à des certitudes ontologiques mais à l'énigme de l'être et de Dieu. Elle entrelace l'humilité de l'échec devant les exigences de l'Absolu, et l'attente nourrie d'espérance. Là est sa modernité.