Plus communicant et interconnecté avec autrui qu'il le fut jamais — comme nous tous ! — l'artiste du XXle siècle est peut-être aussi esseulé, sinon plus, que ses anciens prédécesseurs. Un remède à cette solitude, forme contemporaine de déréliction artistique dans le monde rationalisé du tout fonctionnel ? Peut-être une philosophie de l'expérience esthétique, pour autant, comme le disait John Dewey, que cette expérience est toujours plus qu'esthétique; une philosophie attentive à ces bricoleurs que sont la plupart des artistes, créateurs d'objets improbables, sortes d'excroissances du monde pratique, parfois incongrus, dans l'entre-deux, à la limite du fonctionnel et de l'inutile.
C'est ainsi qu'on peut voir l'artiste, en équilibre sur la frontière qui sépare l'univers de la fonctionnalité d'où il est issu mais dont il se détourne, et l'utopie dont il se méfie mais qu'il désire secrètement. C'est en ce sens que son geste reste, quoi qu'on fasse et quoi qu'on dise, éminemment politique.
Marc Jimenez