Les Hasard de l'alphabet entrent dans notre collection Essais et Critiques après trois ouvrages du même auteur, à savoir un essai sur ses rencontres littéraires puis deux volumes respectivement intitulés Le Cahier d'Alceste et Les Dits d'Alceste. À ces deux derniers le présent livre aurait pu sans doute se joindre, tel un troisième volet de tryptique. La variété des observations s'y prêtait, en effet, comme celle des discussions d'idées, des appréciations d'ordre moral, des commentaires de lectures, des souvenirs de vie, des évocations d'êtres actuels ou disparus. Mais ici l'amertume s'est, sinon effacée, du moins estompée dans les remous du fond ; en outre, les moules de la forme, tout en conservant la commode disposition alphabétique des chapitres successifs, se sont régulièrement élargis : plus d'apophtegmes, plus de traits acérés parsemant certaines pages de leurs quelques lignes isolées. Aussi Alceste a-t-il fermé les feuillets de son cahier et endigué le flot de ses dits pour laisser place à ces Hasards un peu différemment conçus.
Reste à envisager le résultat de ce nouvel ensemble. Là, toutefois, c'est au lecteur de prendre la parole et de juger si, depuis l'appareillage de la trière athénienne sur la mer universelle jusqu'au désespoir sublime de Villequier, les hasards d'un alphabet privé en apparence de fantaisie ont su atteindre le but que l'essayiste s'était fixé : un ébaudissement de l'esprit mêlé par endroits aux mystères de l'émotion.