A la différence des enquêtes sur les rapports entre musique et littérature, la recherche sur le livret d'opéra est relativement récente. Trois facteurs ont contribué de manière décisive à l'affirmation de cet état de fait : tout d'abord l'intérêt porté à l'« objet matériel » qu'est le livret dont l'existence indépendante de la partition est attestée depuis les origines et subit des variations historiques aisément repérables, liées aux conditions techniques de production ; en second lieu, l'application de la catégorie de « texte » à des productions écrites ne se confondant pas avec les genres reconnus du champ littéraire et dont l'investigation devient par là même légitime ; enfin, la perspective sémiologique, qui conçoit le texte dramatique comme « en attente de représentation », permet de traiter le livret, justiciable des mêmes critères d'analyse, comme étant de surcroît « en attente de musique ».
Les études germaniques ont reconnu tardivement l'importance du domaine ainsi défini. Le séminaire dirigé en Sorbonne depuis le début des années 1990 par Jean-Marie Valentin, d'abord centré sur les questions de « genèse croisée » de la tragédie et de l'opéra, s'est rapidement élargi aux problèmes évoqués et abordés au cours du colloque qui s'est tenu à l'École normale supérieure (Ulm), en Sorbonne et à l'Institut universitaire de France en mars 2004. La confrontation avec des textes des XVIIIe-XXe siècles met les résultats obtenus par ces premiers travaux à l'épreuve de contextes marqués par l'apparition, avec Lorenzo Da Ponte, du librettiste au sens moderne du terme et examine les tensions entre livret traditionnel et « opéra littéraire », les relations conflictuelles qui opposent, en dépit (en raison) de leur gémellité, théâtre et opéra, les rivalités entre auteur et compositeur en Allemagne et en Autriche.