Lorsque Thalès de Milet prétendait que la terre flottait sur les eaux, il tentait en ces temps premiers de la philosophie de répondre à une interrogation qui hante encore l'esprit humain : comprendre la structure de l'univers, connaître le monde qui l'environne, tout particulièrement cet étrange objet qui lui permet de vivre : le globe terrestre.
L'existence même du globe terrestre est un appel incessant à l'interrogation sur l'origine, au questionnement sur la nature et sur la place occupée par l'homme dans cet univers qui l'écrase, lui fournit la vie et lui offre l'aventure de décrypter les inconnus qui s'offrent à lui.
Les hommes du Moyen Âge n'ont pas échappé au questionnement de la Terre. Ils l'ont parcourue, dans les possibilités de voyages offertes à l'époque. Ils l'ont écrite, décrite, rêvée. Ils ont bâti des théories tentant d'expliquer les phénomènes naturels qu'ils pouvaient observer directement ou que les ouvrages savants de l'Antiquité leur proposaient.
Mais la terre, c'est aussi, depuis les premiers temps de la pensée grecque, un des quatre éléments qui régissent la structure profonde de l'univers, comme les complexions et humeurs qui agitent ce microcosme qu'est l'organisme humain. La terre c'est le lourd, c'est le grave par excellence, qui tend vers le centre du monde. C'est le froid et le sec, c'est la source de tous ces métaux que l'homme rêve de maîtriser, de transformer. Derrière celui qui regarde le sol et imagine, se profile l'alchimiste. Le Moyen Âge, surtout à partir du XIVe siècle, a été aussi une époque où l'alchimiste a joué un rôle non négligeable dans la constitution du savoir. D'où la nécessité, si l'on veut englober tout le discours portant sur la Terre, de faire une place à l'alchimie.
Pris dans la richesse, le foisonnement de cette pensée et de cette écriture multiformes par excellence qu'offre le Moyen Âge, le thème de la Terre se révèle donc être un vecteur fondamental d'étude des savoirs et des mentalités de l'époque.