De quoi souffre Argan, le dernier héros de Molière ? D'une maladie imaginaire ou de l'imaginaire ? de la « maladie des médecins » ? d'une angoisse éperdue de la mort ? d'un désir régressif de puérilité tardive ? d'une marotte de collectionneur morbide ? d'une maladie de l'esprit d'origine purement psychique, ou physiologique aussi ? Ce livre prend le pari et le parti de choisir entre ces hypothèses, ou plutôt de hiérarchiser et d'organiser en réseau cohérent ces réponses à partir d'une enquête rigoureuse sur leur place et leur portée dans l'univers des savoirs anciens et dans l'économie de la dernière comédie de Molière. L'enquête embrasse le vaste domaine de la médecine du corps et de l'âme au Grand Siècle et tente de restaurer l'impressionnant édifice de la pathologie ancienne, si insolite et sophistiqué, pour comprendre de quels abîmes a pu surgir sur la scène dramatique et intellectuelle du Classicisme français une ébauche du concept alors improbable de névrose, à travers le tableau flamboyant de la « maladie imaginaire » d'Argan. L'ouvrage se situe ainsi à la croisée entre l'histoire du théâtre comique et celle du désordre moral et mental — mélancolie, dépression, hypocondrie, masques grimaçants qui hantent une autre scène, la scène de l'intime.