À petites touches, usant des formes de la « conversation » et du « discours », Antoine Gombaud, chevalier de Méré (1607-1684), gentilhomme de petite noblesse qui n'a pratiqué la cour que de manière éphémère, dresse le portrait de l'honnête homme. Héritier avoué de Montaigne, ce maître en savoir-vivre apparaît comme le continuateur des législateurs italiens des belles mœurs – au premier rang desquels Baldassare Castiglione. À la différence de ses prédécesseurs qui avaient acclimaté en France -l'héritage italien en tournant en règles et en interdits les suggestions de leurs maîtres ultramontains, il procède avec justesse et grande souplesse. Sa conception de l'honnêteté, loin de l'élitisme du « grand monde », repose sur le bon ton joint au naturel, quintessence du bon sens entendu comme faculté de discernement et intuition de l'appropriation juste : le savoir-vivre y réintègre sa portée large de bel et bien vivre, autrement dit sa portée de sagesse pratique.