Georges Perec n'avait sans doute pas en tête le Polyandre (1648) de Charles Sorel lorsqu'il composa sa Vie mode d'emploi (1978). C'est pourtant une tranche assez semblable de vie (parisienne) que nous
conte la déambulation des personnages de Sorel en quête du « mode d'emploi » de leurs loisirs au milieu du XVIIe siècle. Bourgeois de fortune médiocre, d'âge moyen, de goût raffiné et d'esprit caustique, Polyandre promène son loisir et Sorel son récit de quartiers en paroisses, de cercles en salons, de rencontres en fréquentations, entre la foire Saint-Germain et le jardin du Luxembourg, la rue Saint-Jacques et les salons à la mode, dans la capitale du jeune Louis XIV animée par le carnaval. Autour de ce piéton de Paris s'agrège une petite société de personnages colorés et typés. L'écrivain a suspendu sa plume quand allait s'engager entre eux une intrigue à peine esquissée. Il a eu raison : le meilleur était dit, qui nous plonge de façon à la fois saisissante et insolite dans le quotidien d'une époque disparue, d'un « grand » siècle dont le drapé est ici contemplé côté doublure.