Qu'est-ce que la mort ? Qu'est-ce donc que « cette chose ultime qui nous rattrape tous » et dont nous ne savons rien ? Valeur limite, point de discontinuité, rupture, franchissement de frontière, cessation d'être, no man's land, blanc sans contenu, absence… la mort, si l'on en croit Kant est « un concept vide ». Mais si la mort échappe à la raison, elle a en revanche depuis toujours inspiré écrivains et artistes qui, faute de pouvoir la définir, se sont essayés à la représenter dans leurs œuvres.
C'est à une réflexion sur la mort et les manières de la représenter que nous invite Christiaan L. Hart Nibbrig. Au fil de sept chapitres richement illustrés (par des reproductions de tableaux, de gravures, de statues, de publicités, de planches de bandes dessinées ou encore de partitions musicales), il nous entraîne à la suite de grands maîtres – et d'autres plus modestes – qui tous, depuis Homère jusqu'à Tardi, ont « tenté avec art et artifice, de faire voir la mort à l'œuvre ».
Cette Esthétique des fins dernières n'est pas pour autant une danse macabre. Il s'agit bien plutôt d'une invitation à vivre, à créer, à entrer, que ce soit comme lecteur, spectateur, auditeur, ou comme acteur, dans la ronde de tous ceux-là qui au-delà de la mort, font aux vivants l'offrande de ce qu'ils ont créé, les invitant par là-même à vivre.
Christiaan L. Hart Nibbrig, germaniste et comparatiste, est professeur honoraire à l'université de Lausanne. Il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages, publiés pour la plupart chez Suhrkamp, dont Rhetorik des Schweigens (1981), Warum lesen ? (1983), Die Auferstehung des Körpers im Text (1985), Spiegelschrift. Spekulationen über Malerei und Literatur (1987) et Geisterstimmen (2001), qui a été publié en français sous le titre Voix fantômes (2008).