Citant A.F. Wert qui constatait, il y a plus de cent ans en dressant l'état des lieux, que sur les 772 auteurs latins, dont nous avons gardé le souvenir, 276 ne sont que des noms ; que pour 352 d'entre eux nous ne possédons que des fragments, que seuls les 144 qui restent – soit 20% du nombre total – ont préservé un ou plusieurs ouvrages, Henry Bardon écrit :
Imaginons une littérature française où des bribes du Serment de Strasbourg, quelques vers de Soties ou du Roman de Renard, une strophe de la Chanson de Roland représenteraient les écrivains du Moyen Âge ; pour le siècle classique, point de Racine (je songe à Varius) ; pas davantage de Lamartine (je pense à Gallus) ; des genres entiers auraient disparu, sans qu'il en subsistât autre chose que quelques lignes atrophiées et suspectes. Bref, une brume de néant, d'où émergeraient, plus ou moins, quelques cimes.
Exploitant néanmoins les milliers de témoignages qui, épars dans les œuvres conservées, documentent l'existence éphémère d'une foule d'ouvrages disparus, un travail de géant s'était engagé, depuis Robert et Henri Estienne jusqu'à Émile Baehrens, pour lutter contre les forces de destruction, enquête inlassable qui se poursuit encore aujourd'hui. Néanmoins les conditions étaient déjà assez largement réunies au milieu du siècle dernier pour qu'un athlète de la philologie, s'appuyant sur cette riche fenaison et la dominant, s'emploie à en réunir les résultats pour les ordonner chronologiquement dans une vision d'ensemble, un immense panorama, rétablissant les perspectives et brossant la toile de fond sur laquelle se détachent et se comprennent les chefs-d'œuvre conservés. C'est l'exploit inédit et non réédité que réalisent ces deux volumes, qui comprennent, à leur sortie, respectivement 384 et 344 pages et englobent, le premier, la période républicaine, le second l'époque impériale, soit près de huit siècles (IVe av.-Ve ap. J-C.), au terme desquels l'auteur tente de cerner les causes historiques et la disparition de tant d'œuvres parfois magistrales.