Pour comprendre la ville dans sa capacité à produire des effets sociaux propres.
Le destin d'une rue se joue et se rejoue au fil du temps, à chaque renouvellement ou rénovation de son bâti, à chaque réaménagement des voies qui modifie les modes de circulation et les accès aux quartiers environnants. Si le pluriel s'impose s'agissant des destins de la rue de la République à Marseille, c'est d'abord en songeant aux deux grandes transformations urbaines qui bornent l'histoire de la rue : son percement initial sous le Second Empire à travers la ville médiévale pour relier ancien et nouveau ports, et son inscription aujourd'hui dans le périmètre de l'opération d'aménagement Euroméditerranée qui accompagne la mutation de l'activité économique, au cœur des nouvelles ambitions de la métropole méridionale.
Cette longue rue haussmannienne aux façades rectilignes intrigue également par son peuplement manifestement populaire, décalé par rapport à un bâti monumental d'allure bourgeoise, par ses 2 000 logements homogènes avec un bailleur unique sur plus d'un siècle, qui en font une sorte de grand ensemble en centre-ville. Dès lors, parler au pluriel des destins de cette rue s'impose aussi pour rendre compte des trajectoires des individus qui s'y succèdent, que ce soit au titre de résidents, de travailleurs ou de chalands.
Ce sont ces deux types de destins –; celui de l'espace urbain de la rue de la République et celui de ses occupants –; que les auteurs de cette recherche collective, sociologues, politistes et anthropologues, ont voulu explorer pour rendre compte des ressorts souvent inaperçus de la dynamique sociale dans la ville, en choisissant des entrées diverses qu'unissent une attention au temps long et une orientation ethnographique du regard.