Ecrans et casques envahissent notre univers. La vue et l'ouïe triomphent dans une société aseptisée, prête à bannir l'odorat, le goût et le toucher, suspects de bestialité. Le décharnement guette l'homme moderne, condamné à des formes relationnelles sèches, désincarnées. Et pourtant, jamais l'intime et les sens n'ont été aussi valorisés : slow food, ateliers olfactifs, thérapies manuelles, " polysensorialité " des automobiles et des téléphones. Le touch et le soft deviennent vecteurs d'émotions partagées et de communication.
Las, cette nouvelle culture du sens et de la sensualité doit faire face au souci prééminent de préservation du corps. Dans une série de paradoxes insolubles, les dangers du manger (sucre, sel), de l'inhaler (fumer tue) et du toucher (microbes + pédophilie) restreignent les pulsions (goûter, fumer, toucher, éprouver, expérimenter ensemble).
En revenant sur les origines et l'histoire des sens, ce numéro
d'Hermès analyse, interprète et discute les concepts et pratiques parmi les plus récentes des formes relationnelles sous l'angle des " sens ". Se libérant de la neutralisation objective et distanciée des scientifiques, Dominique Wolton et ses auteurs livrent ici un véritable plaidoyer pour une " communication polysensorielle ".