Alors que l'idée d'une stratégie anticapitaliste réapparaît ici ou là au sein des gauches mondiales, aucun essai d'ensemble visant à repenser ses voies éventuelles et ses chances effectives n'existe réellement. Les modèles historiques et pratiques ne manquent pourtant pas – la rupture révolutionnaire, la fuite libertaire, la régulation globale de la social-démocratie, etc. Mais ces options sont presque toujours opposées les unes aux autres, jusqu'à polariser et diviser les gauches depuis des décennies alors qu'elles ont chacune fait la preuve de leurs insuffisances. Voilà pourquoi le débat sur la transition postcapitaliste est pauvre et l'imagination des socialistes asséchée. Le capitalisme a beau apparaître de plus en plus comme le problème majeur de notre temps, personne ne sait vraiment comment s'en défaire.
C'est donc à l'invention d'une nouvelle formule de l'anticapitalisme, complète et efficace, qu'est dédié ce livre. À rebours du socialisme étatisé ou d'un appel à l'exode, les stratégies d'érosion qu'elle promeut consistent à investir par en bas toutes les zones et pratiques déjà existantes où la vie et la production s'organisent de manière non capitaliste, mais, dans le même temps, à mettre un pied dans les institutions et initier par en haut toutes les politiques susceptibles de développer ces formes et ces espaces de vie. À ceux qui, à gauche, nous disent que la fin du monde s'imagine mieux que celle du capitalisme, ce livre offre un cinglant démenti. Et il suggère qu'à l'optimisme de la volonté doit désormais être joint celui de l'intelligence.