Près de 700 000 personnes sont aujourd'hui considérées en France comme des " incapables majeurs ". Cela signifie que plus de 1 % de la population française a été placée sous tutelle ou curatelle, parce que jugée inapte à gérer ses revenus.
Sur le papier, cette mesure a du sens. Elle protège les personnes âgées, les handicapés physiques ou mentaux ou celui qui, au cours de sa vie, se retrouve en grande difficulté. Un tuteur, privé ou associatif, est en effet désigné pour prendre le relais et administrer leur vie quotidienne, afin de les sortir d'une impasse.
Dans la pratique, toutefois, les choses se compliquent : le manque de moyens et de personnel du système judiciaire comme du monde des tuteurs aboutit à des situations humainement discutables, voire dramatiques : décisions de placement prises dans l'urgence et donc violentes, gestion parfois arbitraire des revenus, extrême solitude du majeur protégé, absence de réflexion sur un éventuel allégement de la mesure... La tutelle est devenue une voie de garage liberticide, une petite mort civique contre laquelle cette population n'a que peu de recours.
A travers une multitude de témoignages de tous les acteurs concernés par cette mesure, ce livre se propose donc de pointer les lacunes d'un système qui peine à gérer ses grabataires, ses handicapés ou ses exclus, une population à laquelle la classe politique s'intéresse d'autant moins qu'une personne placée sous tutelle n'a plus le droit de voter... Désormais urgente, annoncée depuis 1998, la réforme du système des tutelles semble une fois de plus remise à plus tard, car jugée trop coûteuse...