On assiste depuis plusieurs années à l'explosion de ce qu'il faut bien appeler de l'antisémitisme dans les media du monde arabe et musulman. Ce phénomène largement ignoré en Occident demande à être reconnu et expliqué. Or les méandres de la culpabilité occidentale tant à l'égard des juifs que des Arabes rendent cette reconnaissance aussi difficile que gênante. C'est le premier enjeu du livre de Philippe Simonnot : nous amener à ouvrir les yeux et à considérer en face un phénomène qui ne se réduit pas, loin s'en faut, à une réaction passionnelle au conflit israélo-palestinien.
Comment le comprendre ? Seul le long terme permet d'en rendre compte. Philippe Simonnot se livre à une passionnante investigation, remontant jusqu'aux origines de l'islam où il a découvert des énoncés parfois censurés aujourd'hui. Une très ancienne culture mêlant dette, culpabilité et mépris se donne à lire dans le Coran et les vies du Prophète, avant de trouver une traduction, mais aussi une forme d'équilibre, dans le statut de dhimmi qui fut celui des juifs en terre d'islam.
L'expansion européenne du xxe siècle remet en question cet équilibre : à la faveur des bouleversements sociaux liés au colonialisme, puis aux chocs géopolitiques du xxe siècle, l'ancien mépris prend peu à peu la forme moderne de l'antisémitisme. Le sionisme, puis la création de l'État d'Israël avivent encore un sentiment qui tourne à la haine et cimente des sociétés en mal de repères.
Cette histoire complexe éclaire d'une lumière nouvelle une passion qui ressemble à certaines haines familiales, avec des cadavres dans les placards. Car cette enquête sans concession ni parti-pris n'épargne personne : elle met au jour les origines proprement islamiques de cette haine, mais aussi les responsabilités des Occidentaux et des Israéliens dans son développement.