Les boulots de merde sont partout : fatigue, ennui, servitude et finances en berne. Mais qu'est-ce qui définit un
boulot de merde ? Du distributeur de prospectus au
cost-killer en audit, du mécano externalisé à la
personal shopper pour emplettes de luxe, enquête à travers le vaste territoire de ceux qui, à leur insu ou non, relèvent à différents titres de cette catégorie.
Pas un jour sans que vous entendiez quelqu'un soupirer : " Je fais un boulot de merde. " Pas un jour peut-être sans que vous le pensiez vous-même. Ces boulots-là sont partout, dans nos emplois abrutissants ou dépourvus de sens, dans notre servitude et notre isolement, dans nos fiches de paie squelettiques et nos fins de mois embourbées. Ils se propagent à l'ensemble du monde du travail, nourris par la dégradation des métiers socialement utiles comme par la survalorisation des professions parasitaires ou néfastes.
Comment définir le boulot de merde à l'heure de la prolifération des contrats précaires, des tâches serviles au service des plus riches et des techniques managériales d'essorage de la main-d'oeuvre ? Pourquoi l'expression paraît-elle appropriée pour désigner la corvée de l'agent de nettoyage ou du livreur de nans au fromage, mais pas celle du conseiller fiscal ou du haut fonctionnaire attelé au démantèlement du code du travail ?
Pour tenter de répondre à ces questions, deux journalistes eux-mêmes précaires ont mené l'enquête pendant plusieurs années. Du cireur de chaussures au gestionnaire de patrimoine, du distributeur de prospectus au " personal shopper " qui accompagne des clientes dans leurs emplettes de luxe, de l'infirmière asphyxiée par le " lean management " au journaliste boursier qui récite les cours du CAC 40, les rencontres et les situations qu'ils rapportent de leur exploration dessinent un territoire ravagé, en proie à une violence sociale féroce, qui paraît s'enfoncer chaque jour un peu plus dans sa propre absurdité. Jusqu'à quand ?