La civilisation européenne a perdu son ascendant sur le monde. Des peurs l'assaillent. Son alliance millénaire avec les savoirs, les sciences expérimentales et les technologies avaient porté sa puissance au zénith. Ses deux matrices constitutives, gréco-romaine, judéo-chrétienne, et les Lumières, avaient nourri la recherche du progrès scientifique et technique. Universalistes, elles en faisaient le moyen du Progrès qui offrait à tous les êtres humains une raison d'être, donnaient un sens à la vie, aux souffrances, à la mort. Ce Progrès a fait naufrage. Le moyen est devenu la fin. L'Europe est orpheline de sens. Des interrogations pèsent sur la pérennité des conditions de vie sur notre planète, les évolutions technologiques imposent des choix. Et l'Europe se mettrait en retrait ? N'a-t-elle plus rien à proposer ? Rien, sur la poursuite effrénée de l'ère technologique ? Rien, sur la nécessité d'une ère symbiotique qui nous réconcilierait avec la nature, sans sombrer dans l'idéologie désastreuse de l'écologisme punitif ? Rien sur le maintien en jachère de milliards de jeunes cerveaux, en Afrique en particulier, pendant que des démiurges, à l'hubris délirante, financent trans et post-humanismes, au risque de briser l'unité de notre espèce ? Par le niveau de ses compétences, l'Europe reste dans la course des technologies d'avenir. Mais elle doit organiser sa puissance pour peser sur des choix qui deviennent pressants et retrouver dans ses matrices fondatrices le sens qui lui fait défaut. Sinon, les fracas de l'histoire sanctionneront bientôt ses hésitations entre reniement et renouveau.