« Boule de Suif, le conte de mon disciple dont j'ai lu ce matin les épreuves, est un chef-d'oeuvre, je maintiens le mot, un chef-d'oeuvre de composition, de comique d'observation. »
Paul Morand n'est pas moins enthousiaste que Flaubert : « une grande nouveauté, une parfaite réussite », souligne-t-il, tout en comparant la nouvelle à l'Olympia de Manet. Issue, seule de son espèce, d'une sorte de concours littéraire lancé lors d'une des soirées de Médan, Boule de Suif fait figure non de manifeste, mais d'accomplissement. Le bonheur d'un titre, la virtuosité d'un conteur qui joue sur tous les registres - y compris le comique -, servis par une plume souple et ferme à la fois, employée à peindre la cupidité aussi bien que l'amour, les préjugés ou le bonheur, n'y sont pas étrangers. Mais quelle recette mystérieuse et efficace est ici à l'oeuvre ? Maupassant à son meilleur saisit « dans leurs côtés cruels les réalités de la vie », non sans dégager de cet amalgame soigneux de bourgeois avides et d'humiliés perdus une poésie âcre et forte.