Proust disait que, composant Le Temps retrouvé, il écrivait son Vicomte de Bragelonne.
Le Vicomte de Bragelonne est un roman-fleuve dans lequel se sont jetés tous les genres : épopée, roman picaresque, drame politique ou sentimental, comédie de mœurs ou d'intrigues, vaudeville, et qui reflète l'infini.
Dumas y raconte pour le peuple la mort de Mazarin, la disgrâce de Fouquet et la prise du pouvoir par Louis XIV, c'est-à-dire l'avènement de la monarchie absolue, apogée de cette "royauté qui a fait en France tout le bien et tout le mal qu'elle pouvait faire". Mais, en filigrane, il y décrit la confrontation de l'homme avec le temps et la mort : "Que reste-t-il à l'homme après la jeunesse, après l'amour, après la gloire, après l'amitié, après la force, après la richesse ? Ce rocher sous lequel dort Porthos, qui posséda tout ce que je viens de dire ; cette mousse sous laquelle reposent Athos et Raoul, qui possédèrent plus encore."
L'interrogation poignante et la réponse désabusée de d'Artagnan sont celles de Dumas lui-même s'apprêtant à descendre le versant désolé de la vie. Le roman est parcouru d'un frémissement tragique sans lequel il n'est pas de grande littérature.
Claude Schopp.