Connu pour ses sympathies anarchistes, Octave Mirbeau est un écrivain engagé. Il a combattu l'antisémitisme, le nationalisme, le colonialisme, toutes les formes de domination qui asservissent l'individu. Sujets d'indignation qui intéressent notre temps et nous incitent à redécouvrir cette œuvre.
Avec Le Jardin des supplices, il invente une forme romanesque qui rompt avec les conventions de la cohérence narrative et de la vraisemblance. Ce texte offre un assemblage de morceaux disparates dans lequel la stylisation du réel en dévoile, par-delà les apparences, les aspects grotesques ou monstrueux. Mirbeau y adopte, après l'avoir longtemps cherché, le mode satirique qui va désormais faire de ses romans l'expression de son engagement passionné dans les luttes de son époque.
Le Jardin des supplices et Le Journal d'une femme de chambre sont autant d'allégories qui, en pleine affaire Dreyfus, renvoient à la France antidreyfusarde sa propre image hallucinée sous un jour crépusculaire. Quelques années plus tard, La 628-E8, parodie d'un récit de voyage en automobile à travers l'Europe du Nord, est l'occasion de violentes charges contre le colonialisme belge, le militarisme, le nationalisme barrésien, la germanophobie. En 1913 enfin, Dingo, pseudo-récit de formation où un chien refait paradoxalement l'éducation de son maître, offre un tableau féroce de la France radicale.
Ces quatre romans montrent combien Octave Mirbeau mérite d'être considéré comme le rénovateur du roman satirique dans la tradition de Ménippe, le philosophe cynique. Sans oublier, comme nous le rappelle son contemporain Émile Zola, qu'il fut aussi ce " justicier " compatissant, qui avait " donné son cœur aux misérables ".