HISTRION : Si j'étais une Entremetteuse, sauf votre respect, je m'habillerais de gris et, sans ceinture, les pieds nus, deux chandelles à la main, mâchonnant des Pater noster et enfilant des Avé Maria, après avoir flairé toutes les églises, je guetterais le moment où Messire serait hors de chez lui. Arrivée à la porte de Madame, je frapperais tout doucement, je demanderais à lui parler et, avant d'en arriver à la chose, je lui raconterais mes peines, mes jeûnes, mes oraisons, et puis, quand je l'aurais bien amusée avec mille balivernes, j’en viendrais au chapitre de ses charmes, car toutes les femmes jubilent à entendre vanter leurs beaux yeux, leurs belles mains, leur air distingué ; je dirais merveille de son sourire, de son parler, du rouge de ses lèvres, de la blancheur de ses dents et, dégainant une exclamation, je m’écrierais : « Ô Madonna, aucune des beautés d’Italie ne serait digne de déchausser un poil de vos cils ! » Aussitôt que je l’aurais ainsi vaincue avec les armes de la louange, je lui dirais avec un soupir : « Votre grâce a mis à mal le plus gentil jeune homme, le plus charmant et le plus riche de cette ville », et en même temps je lui planterais une petite lettre dans la main. Et si le mari venait à me surprendre, les excuses ne me manqueraient pas ! Je saurais sans doute lui parler d’autre chose que de lin à filer et d’œufs à couver.
Il Marescalco, 1534
Paul Larivaille est un des grands spécialistes de l’Arétin, auteur notamment d’une thèse de Doctorat d’État sur L’Arétin entre Renaissance et Maniérisme (1972), traduite en italien en 1980, d’une biographie de l’Arétin (Roma, 1997), ainsi que de plusieurs dizaines d’autres travaux de moindre importance sur le même auteur.