« Pourquoi les philosophes de notre temps ne s'efforcent-ils pas d’arracher du sein des hommes cet appétit démesuré de régner, qui d’ailleurs ne procède que d’une volonté de mal ? Partout où règnent les hommes avides de domination, on trouve toujours bien peu de justice, les riches piétinent les pauvres et les nobles outragent les roturiers.
Pour ma part j’ai souvent dit que je désirerais vivement que l’on observât une vieille coutume de l’île de Taprobane, où l’on choisissait pout prince celui qui était le plus valeureux et le plus soucieux du bien des sujets, et si d’aventure il venait à s’éloigner du droit chemin, on le déposait également par la volonté du peuple… Je voudrais que celui qui doit devenir notre prince y fût contraint par la force, qu’il n’y accédât pas par voie héréditaire, qu’il n’obtînt pas non plus le pouvoir par lui-même, soit par les rames soit par la ruse ; et nul ne doit croire que cette volonté ait en moi d’autre cause que le fait d’avoir vu bien des seigneurs injustes, scélérats et ennemis jurés de leurs vassaux. »
Paradoxe VI, Qu’il n’est pas mauvais qu’un prince perde son état.
Antonio Corsaro est professeur de littérature italienne à l’Université d’Urbin.
Marie-Françoise Piéjus est professeur émérite de littérature italienne à l’Université de Paris X-Nanterre.
Maria Cristina Figorilli est chercheur en littérature à l’Université de Calabre.