En 1912, Victor Segalen (1878-1919) publie Stèles, son chef-d'œuvre poétique, luxueusement imprimé à Pékin. Il s'agit, avec Alcools, paru l'année suivante, de l'un des recueils majeurs de la poésie du XXe siècle. Il ouvre le cycle chinois des œuvres de Segalen, qui fait suite au cycle polynésien (Les Immémoriaux, Gauguin), au cycle musical et orphique (Entretiens avec Debussy, Orphée-Roi) et au cycle des ailleurs (Imaginaires, Briques et Tuiles).
Segalen est de tous les auteurs européens celui qui a le plus profondément pénétré la culture chinoise. Il ne se contente pas d'admirer les paysages et les monuments ; il parle la langue, est capable de déchiffrer testes et inscriptions. Certaines de ses œuvres sont publiées ici pour la première fois intégralement, ainsi Sites et Annales secrètes d'après Maurice Roy. Segalen ne sacrifie pas à l'exotisme mis à la mode par les écrivains fin-de-siècle comme Loti. Il est pénétré de l'imaginaire chinois. Équipée, " voyage au pays du réel ", est une odyssée superposant souvenirs et désirs, pour mieux atteindre une immatérielle réalité. René Leys se présente comme les confidences d'un Français sinisé qui se prétend l'amant de l'Inpératrice. Les textes de Segalen sont autant d'initiations pour atteindre la " cité violette interdite ". Pour lui, l'imaginaire est le prolongement, le parachèvement du réel. C'est par l'imaginaire que nous accédons à la connaissance du monde.
Robert Kopp.