En 1921, les surréalistes ont fait à Barrès un procès spectaculaire. Meurtre rituel du père, fureur sacrée des disciples dévorant leur maître : l'histoire littéraire ne connaît aucune autre mise à mort de ce genre. Elle ne peut s'expliquer que par l'immense popularité du prince de la jeunesse. N'est-ce pas Léon Blum qui affirmait dès 1900 : " C e qui est sûr, c'est que nous l'aimons. Alors même qu'il ne serait pas un grand écrivain comme il est, sûr de son style et de sa pensée, maître d'une forme qui est bien à lui, nul ne lui contesterait le mérite plus rare d'avoir empreint d'une marque indélébile l'esprit de toute une génération " ?
Barrès le maître, le guide ? Pour beaucoup, dont Aragon : " La lecture [de Barrès] fut pour moi un grand coup de soleil et il n'est pas exagéré de dire qu'elle décida de l'orientation de ma vie. " La déception de voir Barrès verser dans le boulangisme, devenir antidreyfusard, patriote borné, chantre du carnage ne fut que plus vive. Admirateurs et disciples crièrent à la trahison et Barrès a payé par un long purgatoire l'excès de sa gloire. Il nous reste, aujourd'hui, à redécouvrir les grands textes de l'une des figures emblématiques de la littérature du XXe siècle.
Robert Kopp